Problèmes intestinaux et nutrition en sport d’endurance
La nutrition est essentielle pour les athlètes d’endurance : cycliste, triathlète, traileur, coureur sur route, on la considère souvent comme l’un des piliers de la performance. Elle influence également la récupération, la progression et au-delà de cela, la santé globale.
Nous avons déjà (presque) toutes et tous été confrontés à des problèmes intestinaux lors d’un effort sportif. Tu te demandais d’où cela pouvait venir ? Tu te demandes ce que tu peux mettre en place rapidement pour y remédier ? On a ce qu’il te faut ici !
Pourquoi ai-je des problèmes intestinaux ?
Rassure toi, tu n’es pas le seul concerné : On recense 30 à 50 % des athlètes qui seraient concernés par des troubles digestifs, voire 90 % de ceux participant à une épreuve d’ultra-endurance. (Rousseau, 2021). Depuis une dizaine d’années, le monde du sport d’endurance a subi une évolution vers des épreuves de plus en plus longues et éprouvantes pour les organismes, ce qui rend encore plus régulier ces problématiques..
Les troubles digestifs sont donc fréquents chez les athlètes d'endurance, et ils se manifestent 2 à 3 fois plus souvent en course à pied. Les chocs et vibrations répétées lors de la course impactent le tube digestif, augmentant les risques de diarrhées et de saignements. Bien que la modification de la technique de course puisse réduire ces impacts, cela nécessite un apprentissage long et complexe.
Lors d'un effort intense, le sang est principalement dirigé vers les muscles, laissant le tube digestif sous-approvisionné en oxygène. Ce phénomène, connu sous le nom d'ischémie digestive, peut entraîner un fonctionnement altéré des cellules intestinales, voire leur mort. Après l'effort, le retour sanguin peut provoquer une surcharge d'oxygène, générant des radicaux libres nocifs. La régénération des cellules intestinales, qui se fait tous les 3 à 5 jours, peut être compromise par des efforts prolongés, rendant les intestins plus fragiles et poreux. Cela augmente le risque de dysbiose, ou déséquilibre du microbiote. (Dana et al., 2019), (Stephen Simons, 2004).
Cette perturbation serait d’autant plus rapide et profonde que l’activité physique qui l’a provoquée serait intense. Avec à la clé une perméabilité intestinale accrue : la membrane du tube digestif n’arrive plus à bien jouer son rôle de barrière et de garde-frontière. D’éventuelles toxines bactériennes ou des molécules pro-inflammatoires peuvent alors pénétrer dans l’organisme de l’athlète, au risque d’impacter sa santé globale. (Ticinesi et al., 2019), (Levy et al., 2017)
Enfin, il a été montré qu’après quelques mois d’activité physique modérée, la motilité gastro-intestinale (contractions des muscles du tube digestif nécessaires pour y faire progresser les aliments) est améliorée, ainsi le transit s’en trouve donc accéléré et donc la période de contact entre d’éventuels agents pathogènes présents dans ces selles et la barrière intestinale. De ce fait, le sport est bon pour le système digestif quand il est pratiqué de façon modérée. (Ribeiro et al., 2021).
Comment remédier à mes problèmes intestinaux ?
Maintenant que tu comprends le processus qui se déroule dans ton corps, on t’aide à mettre en place les bonnes clés pour mettre ces problèmes derrière toi !
1- Adapter !
La nutrition est une science complexe en constante évolution. L'équilibre entre apports et dépenses énergétiques est fondamental. Tes muscles utilisent l'énergie des macronutriments (glucides, lipides, protéines) pour fonctionner. Chaque nutriment joue un rôle distinct dans ta performance.
Il est crucial d’adapter ton alimentation à de nombreux facteurs. Tes besoins spécifiques varient selon ton âge, sexe, métabolisme, type d'activité physique et objectifs. Par exemple, un triathlète longue distance de 60 ans n'aura pas les mêmes besoins qu'un coureur de 10km de 20 ans. Concentre toi sur ces variables !
2- Tester !
Les athlètes d'endurance peuvent absorber jusqu'à 90 grammes de glucides par heure, mais beaucoup n'atteignent qu'un tiers de cet objectif. Pour améliorer ta tolérance, augmente progressivement ta consommation de glucides pendant l'entraînement. Deux semaines d'entraînement ciblé peuvent réduire significativement les symptômes gastro-intestinaux.
Si les aliments solides ne te conviennent pas, opte pour des gels énergétiques ou des boissons pour sportifs, qui offrent des glucides à absorption rapide. Privilégie les produits contenant un mélange de glucose et fructose pour une meilleure absorption. En général, consomme un gel toutes les 30 à 45 minutes et bois de petites gorgées toutes les 15 minutes.
La monotonie alimentaire peut entraîner des nausées. Entraîne ton estomac à différents types de carburants avant la compétition. Le jour de la course, alterne entre aliments sucrés, salés, mous et durs, tout en tenant compte de tes préférences personnelles.
En Trail par exemple, on recommande de se ravitailler pendant les montées plutôt que lors des descentes, où les chocs et vibrations sont plus intenses et peuvent aggraver les troubles digestifs. Cela peut être une première piste pour réduire tes risques de troubles gastriques.
Avant l’effort :
- Attends 3 heures après ton dernier repas avant de commencer l'activité. Cela permet à votre corps de ne pas devoir choisir entre envoyer du sang vers le système digestif ou vers les muscles.
- Privilégie un repas léger, pauvre en lipides (pas de beurre ni de fromage…) et évite le lactose pour prévenir les désagréments digestifs.
- Réduis les aliments riches en fibres (comme les légumes) dans les 24 heures précédant l’effort et opte pour des collations à base de fruits frais et d’oléagineux (amandes, noix de cajou).
- Évite les anti-inflammatoires et l’aspirine pour ne pas irriter la muqueuse intestinale.
Pendant l’effort :
- Hydrate-toi dès le départ, environ 500 ml par heure, en prenant 2-3 gorgées toutes les dix minutes.
- Privilégie les liquides aux solides pour les ravitaillements, en intégrant des protéines (5 g d’acides aminés branchés) et des glucides pour reconstituer le glycogène.
Après l’effort :
- Ne mange pas immédiatement de grosses quantités. Attend au moins 60 minutes pour permettre au sang de revenir vers le système digestif.
Ces conseils non exhaustifs t’aideront à maximiser tes performances et à favoriser une bonne récupération digestive !
Conclusion : crée ta propre stratégie nutritionnelle
Trouver le bon carburant est un processus personnel. Adapte à ta pratique, ton profil et ton objectif puis teste différentes options pour identifier celles qui conviennent le mieux à ton quotidien, ton goût et ta digestion. Commence à expérimenter ton plan nutritionnel environ 10 semaines avant l'événement et ajuste-le selon ton ressenti. Fais preuve de curiosité et écoute ton corps.
En cas de changement important dans tes habitudes, on te recommande vivement de te faire accompagner par un professionnel dans cette démarche !
Références
- Dana, M. L., et al. (2019). Exit Gluten-Free and Enter Low FODMAPs: A Novel Dietary Strategy to Reduce Gastrointestinal Symptoms in Athletes. Sports Medicine, 49, 87–97.
- Levy, M., Kolodziejczyk, A. A., Thaiss, C. A., et al. (2017). Dysbiosis and the immune system. Nature Reviews Immunology, 17(4), 219-232.
- Ribeiro, F. M., Petriz, B., Marques, G., et al. (2021). Is There an Exercise-Intensity Threshold Capable of Avoiding the Leaky Gut? Frontiers in Nutrition, 8, 627289.
- Rousseau, A. S. (2022). Nutrition, santé et performance du sportif d’endurance / Nutrition, health and performance of endurance athletes. Cahiers de Nutrition et Diététique, 57(1), 78-94.
- Simons, S. M. (2004). Gastrointestinal problems in distance running. International SportMed Journal, 6(3), 162-170.
- Ticinesi, A., Lauretani, F., Tana, C., et al. (2019). Exercise and immune system as modulators of intestinal microbiome: implications for the gut-muscle axis hypothesis. Exercise Immunology Review, 25, 84-95.